La nouvelle entrée du programme de spécialité théâtre (« Un parcours de comédienne : Dominique Blanc ») ouvre de nouveaux champs de réflexion qui s’accompagnent de légitimes questions. Celles-ci sont d’abord épistémologiques : comment analyser le jeu de l’acteur, ce « poète qui écrit sur le sable » (Antoine Vitez) ? Comment penser le jeu du comédien, ce parent pauvre des études théâtrales ? Comment rendre compte de cette oscillation entre intérieur et extérieur, visible et invisible, ce mystère de l’incarnation et cet engagement physique ?
Mais le caractère insaisissable du comédien tient à sa nature même : « La pratique des acteurs n’est pas de celles qui peuvent entièrement se décrire et s’élucider […] : c’est plutôt l’inverse, c’est plutôt le jeu qui éclaire et découvre, les mettant à jour, des fragments de l’imaginaire de chacun. » (Anne-Françoise Benhamou). Cette limite sur laquelle le discours analytique vient buter est l’occasion de renouveler nos travaux écrits, de les vivifier car, si le vocabulaire peut manquer, le jeu comme expérience est au cœur de cet enseignement, au centre des relations engagées avec les partenaires artistiques ; c’est aussi souvent la première porte d’entrée pour les élèves qui choisissent cet enseignement.
Les autres questions touchent la mise en œuvre didactique de ce programme. Il convient de rappeler que ce programme ne consiste pas dans l’intégralité des trois textes et spectacles : il s’agit d’abord de traverser le parcours et les questionnements d’une comédienne à travers des rôles emblématiques qui jalonnent une carrière et une vie de femme. Dans cet esprit, le travail de plateau s’ouvre à la parole de l’actrice, aux récits de ses expériences, aux analyses sur sa propre pratique – tout devient matériau : scènes interprétées, entretiens, biographèmes, témoignages extérieurs, réflexions théoriques sur le jeu, etc. L’acteur ne fait pas qu’interpréter ; il est pleinement un créateur : c’est l’objet premier de ce programme.
La difficulté tient sans doute à ce que rappelle Olivier Py : « À la différence du metteur en scène, l’acteur ne commente pas le théâtre, il est le théâtre. » La première motivation des élèves lorsqu’ils s’inscrivent en spécialité et leur première expérience du fait théâtral s’expriment dans leur présence sensible au plateau, dans une création collective où ils engagent ce qu’ils sont dans les mots des autres. Modestement, eux aussi accomplissent « un parcours de comédien ». Le programme est donc l’occasion privilégiée de les inviter à remobiliser leur carnet de bord individuel, recueil graphique et plastique de leur réflexion entre table et plateau, trace précieuse de leur aventure en spécialité.
Dominique Blanc a accepté de témoigner sur son parcours, collaborant ainsi à rendre possible ce programme singulier. Mais elle ne détermine aucune méthode et ne fige rien dans un discours définitif ; elle ne se veut aucunement un modèle canonique : son voyage dans le théâtre est d’abord celui d’une exigence et d’une énergie intactes au service du jeu.